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Entre l’effacement et l’exhibition : être artiste en situation de handicap

Dernière mise à jour : 19 avr.




Par Sofía Valdiri Méndez



Le 12 juin 2023, j’ai participé au colloque universitaire « Art et Handicap » organisé par des étudiants de la licence professionnelle Encadrement d’ateliers de pratique théâtrale à la Sorbonne-Nouvelle.


J’ai été invitée par Hélène et Pauline de l’équipe d’Anis Gras -le lieu de l’Autre-. En effet, le projet Beauté(s) Fragile(s), que je mène avec Point de Suspensions, est depuis novembre dernier accompagné par cette magnifique structure. Anis Gras -le lieu de l’Autre- est le pôle Art et handicap (nom provisoire) du 94. C’est à ce titre qu’elles ont été invitées à intervenir au colloque. En tant qu’artiste (avec un handicap), Hélène et Pauline pensaient qu’il était important que je prenne la parole sur ce sujet si évident et si polémique : la présence des personnes (avec un handicap) sur les scènes contemporaines.


J’ai donc préparé l’intervention « Entre l’effacement et l’exhibition : être artiste en situation de handicap ». Je me propose de la retranscrire par ce média.


Avant de continuer, je dois bien préciser aux lectrices et aux lecteurs qui je suis et d’où je prends la parole. Comme vous l’aurez compris, je suis artiste (en situation de handicap). Je suis aussi militante anti-validiste, mais je ne fais pas partie active d’aucun collectif.  Je suis consciente de la place politique que nos corps (handicapés) occupent dans les sociétés contemporaines et le travail que je fais est pour les légitimer et les visibiliser. Dans cet article, je défends mon point de vue, alimenté par des nombreuses lectures de disability studies, des rencontres ainsi que par mes idées, mes ressentis et mes vécus. A aucun moment je ne cherche à énoncer une vérité établie une fois pour toutes.


ENTRE L’EFFACEMENT ET L’EXHIBITION : ÊTRE ARTISTE EN SITUATION DE HANDICAP


Point de Suspensions est une compagnie de théâtre travaillant en synergie avec des artistes qui ont un handicap et des artistes qui n’ont pas de handicap. Nous tenons à le formuler de cette manière –« artistes sans handicap »- pour souligner une grande contradiction : quand le handicap est perçu comme un « manque » (des corps manquant de quelque chose), les contextes sociaux et politiques dans lesquels vivent ces corps sont effacés. En France, nous, personnes en situation de handicap, vivons dans un contexte manquant d’opportunités, manquant d’accessibilité et manquant de représentations.

Les projets de Point de Suspensions cherchent à contribuer au remplissage partiel de ce dernier volet : celui de la représentation. Nous cherchons à visibiliser les corps qui sont souvent effacés des scènes contemporaines.


Actuellement, nous sommes en création de Beauté(s) Fragile(s), pièce de théâtre contestant les formes hégémoniques de la beauté et invitant à des représentations plus ouvertes. Beauté(s) Fragile(s) sera présentée à la sixième édition du Festival Imago, à l’automne 2024. Le projet est une coproduction du festival Imago (avec le soutien de la DRAC Ile-de-France), Anis Gras -le lieu de l’Autre, et Point de Suspensions. Nous bénéficions de l’aide à la résidence du département du Val-de-Marne.


De notre perspective, la place des artistes (en situation de handicap) n’est pas stable : entre l’effacement et l’exhibition, elle est toujours à créer.



Préambule


En octobre 2014, j’ai eu un accident (dont je ne suis pas obligée d’en parler si je ne veux pas). En janvier 2015, à la suite des séquelles de cet accident, mon bras droit a commencé à avoir des mouvements choréo-athétosiques. En d’autres termes, mon bras droit tremble. Je ne contrôle pas ces mouvements qui, par ailleurs, sont très visibles. A ce moment-là, j’étais encore hospitalisée. Comme j’avais fait des études en théâtre, j’ai proposé aux autres patients de faire une création théâtrale. Les conditions étaient parfaites : nous avions des salles pour répéter le soir, lorsque le centre de réadaptation était fermé, nous n'avions pas d’autres obligations (nous étions hospitalisé-e-s) : nous pouvions faire du théâtre. Nous étions 6 sur le plateau. Chacun et chacune a travaillé sur une scène, une chanson, un poème qui serait adressé au public. Quatre de ces six participant-e-s étaient des personnes en réadaptation sensorielle : apprentissage du Braille, et usage de la canne. C’est dans ces échanges que j’ai appris que Louis Braille, l’inventeur du système Braille, alphabet pour les personnes non-voyantes et malvoyantes, était lui-même aveugle. Je le rappelle à chaque fois que j’entends parler de Braille car nous avons pris l’habitude d’effacer cette particularité pourtant fondamentale : ce système d’écriture tactile n’a pas été inventé par une personne valide voulant aider les personnes non-voyantes. Il a été inventé par une personne qui connaissait en chair propre les besoins, ainsi que les capacités des personnes, qui, comme lui, ne voyaient pas. A partir de son « manque », Louis Braille a créé un système qui le remplirait. Il n’est pas normal d’effacer cette partie de l’histoire.   


Le spectacle des patients a été joué le 29 janvier 2015, au centre de réadaptation Sainte-Marie, à Paris. La salle était pleine : beaucoup de patients sont venu-e-s, ainsi qu’une bonne partie de l’équipe paramédicale. Cela contrastait avec les salles presque vides des concerts qui étaient proposés aux patient-e-s et à leurs familles une fois par mois. Je crois que les patient-e-s sont venu-e-s parce qu’ils et elles se reconnaissaient sur la scène. Nos raisons d’être hospitalisé-e-s étaient différentes, nos corps étaient différents, nos lésions aussi. Mais nous nous reconnaissons dans l’envie et dans l’élan de continuer de vivre. Ce désir légitime d’exister. Et d’exister aussi devant les autres.  Si bien Le spectacle des patients a été un vrai succès, en sortant de l’hôpital, j’ai dû faire face à une réalité qui refusait ma légitimité sur la scène : ma famille, des ami-e-s, des personnes de l’université, me disaient que je pouvais encore faire du théâtre, en restant en dehors de la scène. Pour eux, pour elles, cela relevait de l’évidence. Ceci était très violent pour moi : je ne comprenais pas comment il pouvait exister un tel écart entre la pièce jouée à l’hôpital et les pièces jouées dans la « vraie » vie. Cet écart est une manifestation du validisme régnant dans notre société. «  «Validisme ordinaire » qualifie toutes les remarques et barrières que subissent jour après jour les personnes handicapées et qui les maintient marginalisées et considérées comme « autres » ». « Validisme » définit par Marina Carlos dans son livre Je vais m’arranger.



L’effacement d’artistes en situation de handicap


Selon un rapport de l’Insee et du CSA, datant de 2020, si bien 17% de la population française a un handicap, ce pourcentage descend à seulement 0,6% dans les représentations médiatiques. Prendre conscience de cet (énorme) écart, permet de comprendre pourquoi, lorsque très rarement des personnages en situation de handicap apparaissent dans des films, des séries ou des pièces de théâtre, on s'attendrait à les voir incarné-e-s par des comédiens ou comédiennes en situation de handicap. Pourtant, très souvent, ce sont des comédiens et des comédiennes sans handicap qui prennent ces rôles. Dans le champ des Disability Studies, on nomme ce phénomène de représentation fictive le « cripping up ». Il est souvent comparé au « blackface », c’est-à-dire lorsque des comédiens blancs et des comédiennes blanches se maquillaient la peau en noir pour incarner des personnages racisé-e-s aux Etats-Unis. Cela établissait un système de représentation stéréotypé. Le « blackface » est disparu au courant des années 1960, à la suite du mouvement des droits civiques. Le « cripping Up » repose sur le même principe : modifier des corps « normaux » pour incarner des corps « autres ». En 2018, le film Tout le monde debout de Franck Dubosc, a été bombardé par des critiques anti-validistes. En effet, dans ce film, un homme fait semblant d’être en fauteuil roulant car il tombe amoureux d’une femme qui est réellement en fauteuil roulant. L’actrice incarnant cette femme n’était pas en fauteuil roulant : c’était du « cripping up ». Face aux critiques, Dubosc a posté sur tweeter qu’il n’avait pas choisi une femme en fauteuil parce que « Être comédien est un métier ». Il partait de cette « vérité ». En réalité, il effaçait l’existence des comédiennes en fauteuil roulant, ce qui est violent. Les propos de Dubosc rendent visible le préjugé suivant : les personnes handicapées ne peuvent pas se former au métier d’acteur ni d’actrice.


Pourtant, il y a des écoles spécialisées dans ce type de public, comme les Souffleurs de Sens ou bien Be together, école inclusive de Magali Saby. Il y a également des personnes avec un handicap qui suivent un parcours dans des écoles ordinaires pour se former à ce métier. Il suffit de s’en former avant de faire ce type de déclarations et de choisir son casting.


Être comédien ou comédienne consiste à incarner d’autres personnes que soi-même. De ce point de vue, il est tout à fait concevable qu’un artiste dit valide, incarne un personnage avec un handicap. Le problème c’est que, dans le sens inverse, la balance n’est pas équilibrée : même lorsque les annonces de castings recherchent des comédiennes ou des comédiens « tous types, toutes ethnies », il est rare qu’un artiste handicapé incarne un personnage qui n’a pas été conçu de base comme handicapé. Il y a quelques exceptions comme Dustin dans Stranger Things ou Walter White Jr. dans Walking Dead, mais nous sommes encore très loin du compte.


Parfois, je réponds à des annonces pour être figurante. Je pense que cela est beaucoup plus simple que de répondre à des castings où mon corps n’est pas attendu et ne sera donc pas bien reçu. Les corps des figurants sont à peine perçus par la caméra. Lorsque j’ai une figuration, je ne dis pas que j’ai un handicap. Si je le dis, je serai remplacée, c’est-à-dire que je serai effacée. Avant le jour de tournage, je crains de recevoir des dures remarques concernant mon corps et  mon choix de ne pas le dire. Pourtant, dans ma vie quotidienne, je sors dans la rue, je fais mes courses, je vais dans des bars, je vais au cinéma… En d’autres termes, chaque jour je suis figurante de la vie de plusieurs dizaines de personnes. Pourquoi ma présence dans un set devrait être effacée ? Pourquoi elle ne serait pas légitime ? Pourquoi elle ne serait pas concevable ? Attendue ?


D’ordinaire, je vis ma vie. J’ai les mêmes conflits que les personnages fictifs mais il y a un fossé pour que mon corps puisse les incarner. La conception même de « représentation » est à questionner.



L’exhibition des personnes handicapées


En 1933, sort en salle le film « Freaks » de Tod Browning. Traduit sous le titre « La monstrueuse parade », ce film retrace un cirque portant plusieurs numéros de « freaks » : des personnes avec un handicap. Ces numéros faisaient partie de la réalité : des zoos humains, où les personnes venaient voir « l’altérité » de manière morbide. Dans ce film, il y a une scène très forte où les « freaks » invitent la belle acrobate « valide » à devenir l’une des leurs (« one of us, one of us, one of us »). Ce film retrace bien cette conception horrifiante et menaçante des corps handicapés.


Aujourd’hui, nous sommes dans d’autres représentations dominantes du handicap : entre une vision misérabiliste, comme celle du Téléthon, et une vision héroïque, comme celle des jeux paralympiques où les athlètes « dépassent leur handicap ». Entre ces deux représentations majoritaires, dans les dernières années, des metteurs en scène ou des chorégraphes ont voulu visibiliser les personnes en situation de handicap d’une autre manière : celle du symbolisme. Roméo Castelluci, plasticien et metteur en scène italien, fait partie de ces artistes. Dans l’œuvre de Castellucci, la scénographie, la musique, le jeu des comédiens et comédienne, chaque élément converge vers la construction d’une symbolique forte. Il a travaillé plusieurs fois avec des artistes et des personnes en situation de handicap : Guilio Cesare (1998) ou encore plus récemment La flûte enchantée, présentée à l’Opéra de Lille au printemps 2019. Cette mise en scène, était divisée en deux partie : une première qui suivait les partitions de Mozart où tout était rythmé par la symétrie ; et une deuxième partie avec « des hommes et des femmes qui sont en train de vivre dans leur corps une cicatrice de la vie » (propos extraits de l’entretien de Castellucci sur les réseaux sociaux). La cour de la Reine de la nuit était incarnée par des femmes non-voyantes car, par cela même, elles vivaient « l’expérience de la nuit ». La cour de Sarastro était incarnée par des hommes grands brûlés car « là où il y a trop de lumière, il y a un incendie ». La présence de ces personnes sur la scène est donc justifiée par le symbolisme attribué à leurs corps par le metteur en scène. Cependant, il y a un problème. Tout d’abord, comme il l’exprime dans l’entretien, ce sont « des hommes et des femmes qui n’appartiennent pas au monde du théâtre ». Ceci ramène au point de départ : il n’y aurait pas d’artistes en situation de handicap à qui donner ces rôles. D’autre part, lorsque ces personnes (car ils et elles ne sont pas perçu-e-s comme des personnages) prennent la parole, c’est soit, pour parler de leur rapport à la nuit, soit, pour raconter l’accident de leur brûlure. Le choix de ces récits n’est pas contestable. Ce qui est polémique c’est qu’ils et qu’elles ne parlent pas d’autre chose. Tout se passe comme si ces personnes étaient réduit-e-s à leurs « cicatrices », pour reprendre le terme de Castellucci. Comme s’il n’y a avait pas autre chose à voir à travers ces présences sur la scène. La scène les réduit-e-s à la valeur symbolique de leur handicap. Dans la vie, on ne réduit pas son corps aux cicatrices sur la peau. Elles ne sont qu’un élément pouvant, certes, déclencher un récit, mais on aurait tort de se focaliser sur les cicatrices au lieu de voir le reste de la peau.     


Du côté des spectateurs, on retrouve aussi une appréhension ou, en tout cas, un rapport particulier aux artistes en situation de handicap. Le problème repose dans la formulation même des termes : artistes avec un handicap.  « Avec un handicap ». Tout se passe comme si on devait prévenir le public à l’avance de ce qu’il va voir. Établir une séparation, une frontière. Catégoriser. Ceci laisse libre choix au public pour assister ou pas à ce type de représentation. Il y a quelques années, j’ai assisté à une représentation de La jeune fille de la licorne de l’ESAT La Bulle Bleue. La pièce est une création à partir de La ménagerie de verre de Tennessee Williams. Dans les pièces de ce dramaturge, il y a très souvent des personnages qui ne sont pas comme les autres. Laura, dans La ménagerie de Verre, est une « jeune fille fragile », c’est-à-dire, une jeune fille malade/avec un handicap. Ces personnages constituent le rêve des comédiens et des comédiennes, dits « valides ». Ils et elles veulent jouer à être « autre ». Et, bien évidemment, ce ne sont pas des artistes avec un handicap qui incarnent ces rôles sur la scène. Dans la proposition de La Bulle bleue, au contraire, tous les comédiens et comédiennes ont un handicap visible ou invisible. Lorsque le public entrait dans la salle, le plateau était déjà occupé par les artistes. Lorsque les lumières de la salle baissaient pour annoncer le début de la pièce, les spectateurs mettaient fin à leurs conversations. Il y avait de moins en moins de bruit. J’ai pu entendre un monsieur derrière moi qui a échangé avec un proche : « venir voir les handicapés ». La pièce n’avait pas encore commencé, mais j’avais déjà entendu une des raisons qui pouvait motiver la présence de certains spectateurs ou spectatrices : un désir de voyeurisme ou de « soutien » et non pas un désir de voir une œuvre artistique.


En avril 2023, j’ai suivi un workshop avec la danseuse anglaise Kimberley Harvey à Anis Gras -le lieu de l’Autre-. Elle fait partie de Candoco Danse co, compagnie de danse inclusive basée à Londres. La structure réalise des grandes productions. Kimberley a notamment dansé lors de l’ouverture des jeux paralympiques à Londres en 2012, devant Coldplay qui jouait « Yellow ». Kimberley nous a expliqué toute la reconnaissance qu’elle porte à Candoco, ainsi que les diverses opportunités que cette structure lui a offertes. Cependant, elle a été très claire : son véritable travail artistique, sa véritable vision, est dans les créations qu’elle mène avec Subtil Kraft co, structure qu’elle a co-fondée. Autrement dit : Kimberley mène un travail d’équilibriste entre une grande compagnie, faisant d’énormes productions qui visibilisent le handicap, et ses propres créations qui ne mettent pas l’accent sur le handicap. Dans la vidéo Between and Almost, de Subtil Kraft co, deux corps allongés au sol se rencontrent : Kimberley n’est pas en fauteuil roulant, l’autre danseur n’est pas début, à la verticale au-dessus d’elle. Tous les deux sont au même niveau. Ces corps se rencontrent. Ces corps dansent. Le but n’est pas d’exhiber la différence ou la diversité. Au contraire.   



Prendre la place


Le travail de Kimberley n’est qu’un parmi les nombreux travaux d’artistes qui refusent d’être réduit-e-s à une particularité. Depuis toujours, nous, les personnes ayant un handicap, élaborons et visibilisons notre inconfort et notre refus d’être effacé-e-s ou réduit-e-s à la casse de « handicapé-e-s ».


Dans le domaine artistique, nous assistons aujourd’hui à l’émergence de nombreuses propositions cherchant à développer des nouvelles narratives. Nous, artistes (en situation de handicap) voulons mettre des mots sur ces récits -les nôtres-. Nous voulons nous exprimer avec nos propres voix. Nous voulons raconter nos histoires, à nos manières. Nous voulons occuper l’espace de la scène. Créer un cadre pour nous dire. Pour nous exprimer. Mettre des mots. Des mots qui peuvent parler -ou pas !- du handicap. Des mots, qui dans tous les cas, vont être d’accord sur un point : nous refusons d’être effacé-e-s. Catégorisé-e-s. Réduit-e-s. Nous voulons prendre tout l’espace.


Comme Frida Kalho, artiste émancipatrice avec sa colonne brisée


Comme Chiara Bersani, chorégraphe et danseuse dont « [le] corps est politique ».


Comme Babouillec, poète sans paroles.


Comme Rémi Gendarme-Cerquetti, un des fils de Garche.


Comme No-Anger et ses gestes défendants.


Comme Rosario Perazolo Masjoan cassant d’énormes préjugés depuis son mètre-vingt.


Comme Ryan O'Connell et sa vie spéciale.


Comme Alice Rivière, celle qui invente des nouveaux mots pour se définir.


Et j’en passe…


Des exemples n’en manquent pas. Ce qui manque c'est de vouloir les voir.

L’année dernière, Chiara Bersani a présenté Seeking Unicors au Festival Everybody au Carreau du Temple. Étant une grande admiratrice de son travail, je suis allée avec une amie, dite valide. Chiara danse au sol. Des cousins étaient mis à même le sol pour que le public soit à la même hauteur que la danseuse. Par moments, elle se rapprochait d’une des personnes du public et dansait tout près d’elle. La création est très touchante. A la fin, mon amie m’a confié sa perplexité : elle était tellement touchée qu'elle croyait qu’à la fin, Chiara allait se mettre debout. J’ai senti une barrière énorme entre nous deux. Tout se passait comme si elle résistait à accepter qu’elle avait été touchée par une personne qui n’a pas besoin de se mettre debout pour danser. Qui n’a pas besoin d’être debout pour être. Et pour être pleinement.


Les conceptions de ce qui serait beau sont extrêmement fragiles. Fragiles et changeantes. Comme la vie.


Il faut l’accepter.

S’ouvrir à cette réalité incontrôlable et désordonnée.

Quand serions-nous prêts à modifier nos perceptions de « ce qui devrait être », dans le monde d’aujourd’hui ? Ce monde qui brûle.


Sources citées dans cet article :

  • Je vais m’arranger, Marina Carlos

  • Le « cripping up », ou le malaise des handicapés joués par des valides à l'écran, Vincent Bresson, « Slate » 14 décembre 2020

  • Vidéos facebook :  propos de Castelluci sur La flûte enchantée, printemps 2019, opéra de Lille : « Watch » Romeo Castellucci : La Flûte enchantée en 6 entretiens n°3 »

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